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La petite cuisine littéraire de l'adolescente névrosée moyenne

La petite cuisine littéraire de l'adolescente névrosée moyenne
  • Lorsque l'on parle de nourriture de l'esprit, je suis là pour vous servir un triple-bacon-cheese trempé dans la sauce-frite. Lorsque l'on parle d'esprit de la nourriture, je créée une âme dans mon plat à tarte.
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1 juillet 2010

Perséphone, partie 2

3 février, aéroport de Tokyo, 3h30 du matin.

Une voix avec un accent japonais à couper au couteau annonce dans les hauts-parleurs l'arrivée de mon avion, et me réveille. Pour le moment, je suis seule, dans la salle immense remplie de sièges, et je croque dans mon toblerone géant me servant de repas. Je fouille dans mon nouveau sac, très féminin, acheté à l'occasion ainsi que ma robe et mes talons. Je tire un magazine de mots croisés d'entre ma trousse de maquillage inutilisée et un paquet de mouchoirs. Je n'ai jamais fait de mots croisés, il me semble alors que ce n'est pas trop tard pour commencer. 

J'en suis à chercher le nom latin de la ronce quand quelqu'un rentre dans la salle d'embarquement, et s'installe loin de moi, dans mon dos. Je pousse un juron silencieux. Je n'ai jamais aimé avoir des gens dans mon dos, ils me rendent très nerveuse. Alors que je cherche un moyen de voir l'inconnu sans le faire voir, car je suis sûre qu'il m'observe, je remarque que dans la nuit noire, les grandes vitres donnant sur le terrain d'atterrissage reflètent en grande partie la salle.

Je remarque qu'il fixe intensément mon dos, pensant que je ne peux pas le voir, et ses lèvres bougent sans faire sortir un son. L'homme est étrange, pas vraiment le style à voyager dans un avion de luxe. Il est grand, maigre, le visage taillé au burin, la peau bronzée, les cheveux noirs et ras. Immédiatement, il m'est antipathique, mais pour qu'il me paraisse vraiment détestable, il lui manquerait le cigare entre les dents.

Je continue à le dévisager au travers du reflet, quand ses yeux tombent sur les miens. Je ne sais pas si c'est un effet de l'obscurité, mais ils me semblent jaunes, comme ceux d'un chat. J'ai soudainement l'impression qu'il lit à travers mon cerveau comme dans un livre ouvert, et je frissonne, très mal à l'aise. Je reçois son sourire -ou plutôt sa grimace- en pleine face comme une batte de baseball. L'homme sourit comme quelqu'un armé jusqu'aux dents, avec un canon pointé sur la tête de son pire ennemi.

Et, alors que d'autres passagers entrent dans la salle, j'essaye de me convaincre que ce n'est qu'un effet de ma paranoïa ambiante.

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30 juin 2010

Perséphone, partie 1

3 février, aéroport de Tokyo, 2 heures du matin.

 

Vous voyez la jeune fille endormie sur les sièges de la salle d'embarcation vide, celle avec le manteau rouge sur les genoux? C'est moi, Cassandre Avrillay, 25 ans, dite Perséphone. Un surnom qui me colle désagréablement à la peau, gagné au fil de ma courte mais intense carrière récemment finie.

Si je suis ici aujourd'hui, si j'attends cet avion qui va m'emmener à l'autre bout de la planète, c'est pour oublier. Je ne vous parle pas d'un petit séjour au club med', d'une semaine, quand vous avez besoin d'oublier le stress de la vie courante au thalasso. Je vous parle d'oublier la vie tout court, de se faire oublier du monde qui nous entoure, à jamais. C'est mon dernier contrat, et mon ex-employeur m'a payée généreusement pour que je l'exécute sans faute aucunes. Je pouvais donc aller où je voulais, à condition que ce soit le plus loin possible de la France.

Mon choix s'est donc porté sur l'Australie, un des seuls endroits où je n'ai pas encore posé les pieds. Déjà toute petite, j'aimais beaucoup le nom, Australie. J'appelais ça l'Astralie, le pays dans les astres, avant de réaliser qu'il existait bel et bien, sur terre, un peu moins loin que les étoiles, mais de peu. Mais en l'occurrence, ce n'est pas pour une histoire de nom que j'ai choisi d'y aller. j'ai toujours apprécié les immenses espaces, la chaleur, les déserts où la forme de vie intelligente la plus proche est à 300 kilomètres de là.

Ce qui m'a plu, aussi, ce sont les serpents venimeux, un des animaux que je trouve le plus sympathique. Je m'entends toujours bien avec ce genre de créatures, rampantes et sifflantes, qui se glissent entre tes jambes et t'empoisonnent. Je dois reconnaître que j'ai bâti ma carrière grâce à des serpents venimeux, le genre avec des bras, des jambes et des costumes de créateur.

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